Paul : Si je tourne les pages, j’arrive à la fin des années ‘60. Et là, je tombe sur des feuillets qui ont souffert de l’humidité, dirait-on. Mais, au fait, je ne suis pas sûr que l’eau en soit la seule cause ! Regarde la date, ici : février 1968. Et là, ces anneaux ? Ce sont les anneaux olympiques.

Et l’inscription : «bravo champion!».

Tu comprends ? Nous fêtions le retour de notre médaillé olympique ! Et il y avait de quoi fêter ! Médaille de bronze en descente aux Jeux de Grenoble, derrière Jean-Claude Killy et Guy Périllat. A 23 ans, tu te rends compte? Ah ! Je peux te dire que le champagne coulait à flots !

Anne :  Tu m’en diras tant ! Je crois que je vois de qui tu parles… Mais dis-moi, c’était une surprise cette médaille, ou pas ?

Paul : Mais non ! Entre nous, on savait qu’il pouvait le faire, que c’était un grand champion. Il faut dire qu’il est né avec des skis aux pieds, notre homme, ou presque ! Enfant, avec son frère Michel, il habitait Bretaye. Et ils allaient à l’école à Villars. L’hiver, ils descendaient à ski le matin, et… remontaient à ski le soir. Ils skiaient le jour, la nuit, par tous les temps ! Et ils se tiraient la bourre, déjà !

Un matin, le conducteur du train qui montait à Bretaye a repéré des traces de ski bizarres : il y en avait deux, mais une de chaque côté de la voie… Il a cru halluciner ! Les deux frères avaient encore sévi : ils n’avaient trouvé qu’une paire de ski à se partager pour arriver à l’heure à l’école, ce matin–là ! Plus de 6 kilomètres sur un seul ski, tu imagines ?

Anne : Quelle force dans les jambes ! Et la remontée, alors ? Tu te figures la remontée ? Un ski chacun, oui peut-être, mais sur l’épaule alors !

Ces deux frères sont de grands champions. Je les connais aussi. Ils ont beaucoup fait pour le ski à Villars, Michel par l’Ecole de ski, qu’il a dirigée, et Jean-Daniel par leur célèbre magasin de sports. Je connais bien Céline aussi, la fille de Jean-Daniel, qui a été deux fois championne du monde de descente junior, non ?

La passion de la course habite cette famille, comme d’autres à Villars, n’est-ce pas grand-père ?